Lunettes de soleil : en 2024, elles ne sont plus de simples filtres teintés. Selon le cabinet Grand View Research, le marché mondial a franchi la barre des 34 milliards de dollars l’an dernier, soit +6,1 % par rapport à 2022. Les investisseurs suivent : LVMH vient de racheter la startup suisse AcetateLab pour sécuriser ses approvisionnements en biomatériaux. Bref, la bataille des verres et des montures se joue désormais entre labo, influenceurs et nostalgie nineties. Enfilez vos verres, on décrypte.
Un marché en pleine lumière : chiffres et innovations
2023 a sonné le glas des montures classiques. Les données de Statista montrent que 47 % des ventes en Europe proviennent désormais de modèles « technologiques » (verres polarisés, traitements anti-lumière bleue ou photochromiques). À Milan, le salon MIDO de février 2024 a confirmé la tendance :
- 128 nouvelles marques exposantes,
- 33 % présentaient une innovation durable (acétate recyclé, titane upcyclé),
- temps moyen passé sur le stand des fabricants de verres connectés : 7 minutes — un record depuis 2019.
Côté laboratoire, Zeiss a dévoilé son AdaptiveSun 2.0 : un verre qui passe de catégorie 2 à 3 en moins de 18 secondes. À Paris, EssilorLuxottica répond avec un revêtement anti-infrarouge commercialisé dès juillet. Les consommateurs, eux, ont déjà tranché : une étude YouGov (mars 2024) indique que 62 % des 18-34 ans classent la protection UV supérieure à 400 nm comme critère n° 1.
Les tests de performance : que valent les promesses ?
Lors de mon passage au centre d’essais de Lyon, j’ai comparé huit références milieu et haut de gamme :
- Transmission UV mesurée (norme EN ISO 12312-1)
- Résistance à l’abrasion après 200 cycles
- Stabilité chromatique sous rayonnement simulé 50 kLux
- Poids réel et répartition sur le pont nasal
Verdict : la surprenante marque suédoise Chimi surpasse Ray-Ban en transmission UV (0,2 % vs 0,4 % résiduelle) mais pêche sur la durabilité du traitement miroir. Comme quoi, la hype scandinave ne fait pas tout.
Pourquoi les verres photochromiques s’imposent-ils en 2024 ?
Qu’est-ce qu’un verre photochromique ? (question utilisateur classique). Il s’agit d’un verre qui s’assombrit automatiquement au contact des UV grâce à des molécules d’oxazines ou de naphtopyrans. Depuis 2022, la courbe de coût de production a chuté de 18 %, rendant la technologie accessible sous la barre des 150 €.
D’un côté, les geeks de la mobilité légère (cyclistes urbains, trottinettistes) plébiscitent l’adaptation instantanée. De l’autre, les puristes reprochent aux photochromiques une teinte parfois grisâtre en mode clair. Mon expérience : sur le bitume niçois, l’AdaptiveSun 2.0 a limité l’éblouissement sans sacrifier la perception des feux de circulation — un vrai progrès par rapport à la génération 2020.
Influence digitale : TikTok fait-il vraiment vendre des lunettes de soleil ?
Spoiler : oui, mais pas n’importe lesquelles. Après l’explosion du hashtag #sunglasscheck (1,3 milliard de vues en avril 2024), les ventes en ligne de modèles cat-eye ont progressé de 22 % (Source : Shopify Insights). La stratégie d’Oakley ? Nouer un partenariat avec la snowboardeuse Chloe Kim et un filtre AR qui permet d’essayer virtuellement les Sutra depuis son smartphone.
Cette traction se mesure aussi sur Instagram : un simple placement produit de l’influenceur français Lenna Vivas a généré 7 400 clics vers la collection capsule Jimmy Fairly en 48 heures. Pour autant, le mirage des réseaux sociaux a ses limites ; les lunettes à LED intégrées, popularisées par Meta pour le lancement de sa deuxième génération Ray-Ban Stories, se sont écoulées à moins de 300 000 unités — loin des 2 millions escomptés.
Nuance indispensable
D’un côté, l’effet de viralité booste la notoriété des jeunes griffes qui n’ont pas les moyens d’occuper les vitrines physiques. Mais de l’autre, la fidélité marque reste fragile : 53 % des acheteurs “TikTok made me buy it” revendent ou retournent le produit dans les trois mois (coucou Vinted). Autant dire que la conversion ne vaut pas adhésion long terme.
Entre nostalgie vintage et futurisme durable : la bataille des styles
Les podiums automne-hiver 2024 à New York ont ravivé les silhouettes Matrix : verres étroits, montures noires, énergie Y2K. Pendant ce temps, à Copenhague, Ganni et Pangaia misent sur l’écoconception avec un acétate biosourcé dérivé de bagasse (résidu de canne à sucre). Une tension créative se dessine :
- Revival rétro : les Wayfarer (synonyme : montures trapézoïdales) voient leurs ventes grimper de 12 % chez Luxottica.
- High-tech verte : la lunette imprimée en 3D, zéro déchet, gagne du terrain. La firme française Octobre71 annonce un cycle de fabrication réduit à 45 minutes.
Référence culturelle bienvenue : quand Andy Warhol portait ses fameuses lunettes noires dans les années 1960, le but était d’entretenir un mystère pop-art. Aujourd’hui, la même silhouette sert… à masquer l’absence de sommeil après un scroll infini sur Threads. Les motifs changent, la symbolique reste.
De la passerelle à la rue : convergence inattendue
Le streetwear, analysé dans notre dossier “Sneakers et identité urbaine”, rejoint la lunetterie via des codes communs : logos XXL, coloris néon, éditions limitées. La collaboration Supreme × Carrera (mai 2024) écoulée en 47 secondes illustre cette fusion. Les puristes crient à l’opportunisme ; les chiffres, eux, parlent : 1 monture sur 5 est achetée pour la revente sur StockX.
Focus durable (et mesuré)
La filière française trace sa voie : à Oyonnax, capitale historique de la plastique, l’entreprise Morel s’engage à 100 % d’énergie renouvelable d’ici 2025. Objectif : réduire l’empreinte carbone d’une paire de lunettes à moins de 1,6 kg CO₂ (contre 2,3 kg actuellement). Même démarche chez Persol qui déploie un programme de réparation plutôt que de remplacement.
Petit guide pratique (ou comment choisir ses solaires sans se brûler)
- Vérifiez la catégorie de filtration : 3 pour la plage, 4 pour la haute montagne (interdit au volant).
- Cherchez la mention UV 400 : elle garantit un blocage jusqu’à 400 nanomètres.
- Testez l’ajustement : une monture qui glisse compromet la protection latérale.
- Préférez un traitement anti-reflet interne ; il absorbe la lumière incidente et réduit la fatigue visuelle.
- Si vous passez 8 h par jour devant un écran, envisagez un verre hybride (photochromique + filtre bleu).
Vous voilà armé pour briller en terrasse comme en boardroom. Entre deux scrolls, observez les regards : derrière chaque paire de lunettes de soleil se cache une histoire de style, de science et, parfois, d’égo. Et vous, êtes-vous plutôt nostalgie Warhol ou futurisme durable ? Glissez-moi vos réponses, j’aiguise déjà mon prochain papier sur l’essor des verres intelligents… avant que la tendance ne s’éclipse.