Maquillage : selon Euromonitor, le marché mondial a atteint 365 milliards de dollars en 2024, soit +8 % sur un an. Pourtant, 57 % des consommatrices françaises déclarent simplifier leur trousse beauté (baromètre IFOP, février 2024). Ce paradoxe nourrit une question centrale : comment concilier effervescence créative et quête de minimalisme ? Analyse factuelle et regard expert pour trier l’essentiel du superflu.
Un marché cosmétique en pleine mutation
En 2023, Paris et New York ont concentré 40 % des lancements de produits teint (base, fond de teint, correcteurs). L’Oréal, Estée Lauder et Sephora mènent la course, misant sur la personnalisation algorithmique. Derrière ces chiffres, trois tendances se détachent :
- Hybridation soin-maquillage : 64 % des références mises sur des actifs dermatologiques (niacinamide, peptides).
- Éco-conception : 52 % des nouveautés utilisent du plastique recyclé ou du verre léger.
- Inclusivité chromatique : 45 teintes proposées en moyenne par fond de teint premium (contre 25 en 2018).
D’un côté, les marques multiplient les innovations pour capter de micro-segments. De l’autre, les consommatrices plébiscitent des routines simplifiées, inspirées du « skinimalisme » né sur TikTok. Le marché avance donc sur deux rails contradictoires mais complémentaires : sophistication technologique et réduction du geste.
Pourquoi la routine maquillage se réinvente-t-elle ?
La pandémie a redéfini la hiérarchie des priorités esthétiques. En 2021, le port du masque faisait chuter les ventes de rouges à lèvres de 22 % en Europe. Deux ans plus tard, le bouche-à-oreille digital (forums Reddit, lives Instagram) pousse à la recherche de formules légères, longue tenue et faciles à démaquiller.
Quatre moteurs expliquent cette réinvention :
- Télétravail pérenne : 32 % des actifs français travaillent à distance au moins deux jours par semaine, réduisant le besoin de looks sophistiqués.
- Pression écologique : le secteur cosmétique est responsable de 1,5 % des émissions mondiales de plastique. Les consommatrices exigent des packagings rechargeables.
- Courants culturels : la K-Beauty mise sur la transparence du teint, tandis que la A-Beauty australienne valorise les textures « no-makeup makeup ».
- Puissance des nourrices d’influence : Michelle Phan à Los Angeles ou Marion Caméléon à Paris orientent les achats vers des produits multifonctions.
Observation de terrain : lors du Salon Cosmoprof Bologne 2024, les stands les plus fréquentés proposaient des sticks 3-en-1 (blush, lèvres, paupières). Illustration parfaite de la recherche d’efficacité sans sacrifier la créativité.
Quelles techniques de maquillage domineront 2024 ?
1. La « cloud skin » supplantant le glass skin
La glass skin coréenne (teint miroir) cède du terrain à la cloud skin : une lumière douce, légèrement mate, obtenue par micro-doses d’illuminateur mélangé à un fond de teint satiné. Les ateliers MAC Cosmetics à Soho permettent déjà d’apprendre la technique en 20 minutes chrono.
2. Le tightlining inversé
Plutôt qu’un trait d’eye-liner classique, les makeup artists insèrent un crayon gel waterproof à la racine des cils inférieurs. Résultat : regard intensifié mais invisible, phénomène repéré sur le défilé Chanel Haute Couture janvier 2024.
3. Le blush « underpainting »
Popularisé par la maquilleuse Mary Phillips (Los Angeles), il consiste à appliquer le blush crème avant le fond de teint. L’effet, plus diffus, a généré 145 millions de vues sur le hashtag #underpainting début 2024.
4. Les poudres pressées skincare
Infusées en acide hyaluronique, elles évitent l’aspect « cakey ». Lancôme a constaté +35 % de ventes pour sa ligne Absolue Poudre Revitalisante depuis janvier.
Entre innovation et sobriété : l’équilibre à trouver
Les consommatrices oscillent entre désir de nouveauté et impératif de réduction. D’un côté, les lancements holographiques et les palettes collector stimulent l’imaginaire. Mais de l’autre, l’inflation cosmétique (+6 % en France selon l’INSEE 2023) pousse à arbitrer. Mon expérience d’auditrice en boutique me le confirme : les clientes demandent désormais le « coût par utilisation » avant d’acheter un duo bronzer-highlighter.
Ma checklist décisionnelle
Pour trancher, j’applique une grille simple :
- Bénéfice multiple ? (un produit, plusieurs usages)
- Recyclabilité réelle du packaging ?
- Tolérance cutanée prouvée par essais cliniques (minimum 30 volontaires) ?
- Coût inférieur à 0,50 € par application ?
Ce cadre analytique limite l’effet « achats impulsifs » et structure la rotation des stocks, sujet connexe à traiter prochainement dans notre rubrique soin de la peau.
Comment optimiser son vanity sans sacrifier la créativité ?
La question revient sans cesse. Réponse méthodique :
- Dresser l’inventaire de vos produits actuels (date d’ouverture, PAO).
- Identifier vos domaines de sur-consommation : souvent les fards à paupières.
- Croiser vos besoins réels (type de peau, teinte, style de vie) avec les usages saisonniers.
- Allouer 70 % du budget à des basiques haute qualité (fond de teint, anticerne, mascara).
- Réserver 30 % aux acquisitions exploratoires : top-coat pailleté, rouge bleu nuit, liner graphique.
Ce ratio, inspiré de la règle financière 70-30, préserve la liberté artistique tout en garantissant un retour sur investissement cosmétique mesurable.
Focus chiffres
- 83 % des Françaises utilisent au moins un produit teint quotidiennement (CSA, mars 2024).
- 61 % déclarent vérifier la composition INCI avant achat, contre 35 % en 2019.
- 28 % acceptent de payer plus cher pour un packaging rechargeable (étude Nielsen 2024).
Ces données confirment la montée en gamme raisonnée plutôt qu’un désengagement total.
Nuance essentielle
Certains analystes prédisent un repli du maquillage couleurs au profit du skincare pur. Toutefois, le succès du festival Coachella 2024, saturé de looks néon, démontre l’inverse : la couleur demeure un exutoire culturel majeur. La réalité se situe entre les deux : une pratique plus consciente, mais toujours chargée d’expression artistique.
Le visage reste notre premier terrain d’expression. À travers ces évolutions du maquillage – cloud skin, underpainting, éco-packaging – se dessine une esthétique responsabilisée mais jamais austère. J’invite chaque lectrice (et lecteur) à observer son trousseau, tester, ajuster et partager ses découvertes : la prochaine grande tendance part souvent d’un simple geste quotidien.
